L'ÉCRITOIRE SÉGALINE

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Les Sillons de la liberté

Dimanche 13 Mars 2011

     Une caméra qui filme la vie d'un couple à la ferme pendant près d'une année, ça vous rappelle quelque chose, hein ? Tout faux, il ne s'agit pas de télé-réalité.

     Hier soir je suis allée assister à la projection d'un documentaire organisée par le comité des fêtes de mon village natal, à quelques kilomètres d'où je vis. Ce fut l'occasion pour moi de revoir d’anciens voisins et de replonger dans le monde agricole. Il s'agissait d'un documentaire dans la même lignée que d'autres du même réalisateur que la commune avait déjà projetés auparavant : des fermiers d'aujourd'hui mais qui travaillent, par choix, avec les méthodes ancestrales enseignées par leurs pères. Ce soir-là il s'agissant du film Les Sillons de la liberté, de René Duranton qui a réalisé pas mal de documentaires dans la même veine. Le réalisateur a suivi pendant près d'une année un paysan breton parfaitement atypique qui travaille la terre avec l'aide de ses chevaux, qui vit sans télé, ni radio, ni téléphone, vit au rythme des saisons et surtout qui se fait un point d'honneur de ne recevoir aucune aide ni subvention car il a décidé d'être libre. Libre il l'est en effet, autant qu'on peut l'être lorsque l'on vit au rythme des saisons, de la nature, sans autres contraintes que celle de récolter de quoi se nourrir et de soigner ses animaux.

     Du ramassage du goémon sur la plage qui servira d'engrais naturel dans les champs, à la moisson, en passant par les foins ou la fabrication du cidre, on découvre un monde très dur, physiquement épuisant mais où jamais on ne perçoit le moindre stress : pas d'inquiétude en regardant la récolte pour savoir si l'on pourra payer les traites du tout nouveau tracteur énorme qui encombre les champs devenus trop petits comme on le voit parfois. Entre ce paysan et sa compagne pas beaucoup de paroles, ce sont des taiseux, et des pudiques aussi sûrement. Lui a choisi de travailler ainsi lorsqu'il lui a fallu reprendre l'exploitation, tous ses camarades de classes voulaient devenir marins, lui voulait être paysan, un marginal en somme. Et comme il n'était pas du genre à faire les choses à moitié il a refusé de se plier au jeu de la production intensive, du tout pesticide et du « toujours plus ». Sa compagne quant à elle est venue de Normandie faire un stage dans le monde agricole dans les années 80 car elle ne se voyait pas travailler dans un bureau après des études de secrétariat plutôt subies que choisies, elle est venue chez ce paysan, est repartie puis est revenue pour ne plus le quitter, lui son aîné de vingt ans. Ensemble ils mènent une vie telle qu'elle devait l'être il y a de cela 50 ans, avec leurs chevaux et des outils hérités de leurs aïeux : herse, lieuse, batteuse, des engins acquis par les grands-parents qui faisaient alors figure de pionniers ! Lui aujourd'hui passe pour un doux rêveur et un original. Et il fait des émules puisque l'on voit tout au long du film qu'il est aidé par un de ses voisins, âgé d'une quarantaine d'année qui après sa journée à l'usine cultive quelques hectares de terre exactement sur le même mode.

     Pour moi c'était comme une visite au musée, et en même temps revenaient à moi des images de mon enfance, non pas que j'aie vu mes parents travailler de la sorte, mais parce que je reconnaissais des outils oubliés et poussiéreux et dont les poules avaient fait leur perchoirs dans le fond des granges et des hangars de la propriété familiale, tous ces engins qui étaient morts je les voyais revivre là sur l'écran, et pas dans un film d'époque mais en 2009. Ces souvenirs étaient relayés par les commentaires de l'assistance, composée de paysans non plus bretons mais ségalins, et qui en occitan se rappelaient des anecdotes, des épisodes de leur enfance, s'étonnaient de voir encore fonctionner ces machines pour le moins rustiques, et la nostalgie aidant je les sentais presque envieux du choix de vie qu'avait fait cet homme, de son courage, de sa vaillance.

     J'avais emmené mon fils aîné car je me disais que ce serait intéressant pour lui de voir quelque chose dont il entendait parfois vaguement parler par ses grands-parents mais dont il n'avait aucune image, et de fait il a été très intéressé et a regardé tout du long ce film avec beaucoup de curiosité. C'est quelque chose qu'il ne pouvait pas connaître et qu'il ne reverra sans doute plus, je trouvais important qu'il puisse le découvrir. Entre nous c'était quand même mieux qu'un Disney...

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